Conclusion

Qu’ils s’agisse de maîtriser nos pulsions naturelles ou les énergies élémentaires de la nature, les êtres humains tentent partout de transformer le monde à leur image, ou selon une image qui convienne à leurs vues. Mais si l’être humain n’est pas seulement un être d’instinct, possédant non seulement la raison mais aussi la possibilité de la liberté, son existence même dans la nature pose question : peut-il échapper à ses lois ? A-t-il le privilège de se l’approprier ? Ou la nature possède-t-elle des droits aussi inaliénables que ceux qu’il revendique pour lui-même ?

La question de la maîtrise de la nature par l’homme interroge en fin de compte l’indétermination de sa propre nature, qui apparaît déjà dans le mythe de Prométhée, où l’homme ne possède aucune caractéristique propre qui le définirait naturellement. Négativement, cela peut signifier que subsistera toujours une solution de continuité entre l’homme et l’animal, l’homme et les autres êtres vivants, que sa différence spécifique le contraindra toujours à fabriquer et créer une seconde nature, détruisant par là la première. Positivement, son indétermination pourrait être considérée comme la condition même de sa liberté, de sa capacité à se détacher de ce qui lui est donné, et à ne pas se soumettre à la nécessité.

Paradoxe qu’illustre parfaitement la notion de perfectibilité, que Rousseau dans son Discours sur l’origine de l’inégalité parmi les hommes (1755) désignait comme une "qualité très spécifique" grâce à laquelle l’homme peut évoluer et développer toutes ses facultés, mais qui, aussi, "faisant éclore avec les siècles ses lumières et ses erreurs, ses vices et ses vertus, le rend à la longue le tyran de lui-même et de la nature."